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13 décembre 2017

Les défis de la prise en charge hospitalière des enfants malades en Afrique de l’Ouest

Dr Mariama Issoufou, responsable d’étude au Burkina Faso, et Dr Susan Shepherd, experte en pédiatrie, travaillent en vue d’améliorer la prise en charge pédiatrique et nutritionnelle dans les programmes médicaux soutenus par ALIMA. Elles évoquent les problèmes majeurs rencontrés au quotidien en contexte humanitaire dans les hôpitaux d’Afrique de l’Ouest, et des solutions mises en place par ALIMA pour y répondre.

Quels sont les défis les plus fréquemment rencontrés en Afrique de l’Ouest dans la prise en charge des cas pédiatriques en contexte humanitaire ?

Dr Susan Shepherd : Le plus grand problème c’est, de loin, les maladies infectieuses. La plus grande difficulté, c’est que les enfants malades arrivent à l’hôpital dans un état grave, parfois sur le point de mourir. Souvent, ils présentent plusieurs problèmes simultanément, par exemple ils souffrent de déshydratation et d’une diarrhée infectieuse, une pneumonie ou le paludisme.

Dans ce genre de situation, sans examens de laboratoire, il peut être difficile de leur donner un traitement adapté. Le paludisme est détectable facilement, et est soigné avec des médicaments bien spécifiques. Mais les autres infections sont souvent traitées à l’aveugle, avec des antibiotiques. C’est un vrai défi de soigner ces enfants sans moyens pour identifier quel germe les rend malade ni quel serait le meilleur traitement pour chacun d’entre eux.  

Dr Mariama Issoufou : Au Burkina Faso, nous rencontrons un problème similaire avec les enfants malnutris : la plupart arrivent à l’hôpital dans un état sévère.

Le Burkina Faso est un des pays les plus touchés par les crises alimentaires et nutritionnelles. La malnutrition concernerait près de 8,5% des enfants de moins de cinq ans.

En fragilisant le système de défense immunitaire de l’enfant, la malnutrition favorise l’apparition de nouvelles pathologies comme par exemple les diarrhées ou les infections respiratoires. C’est pourquoi les enfants arrivent à l’hôpital très faibles.

Dans ces différents contextes quelles solutions ont été mises en place pour améliorer la prise en charge hospitalière de ces enfants ?

Mariama Issoufou : Dans le système classique, la malnutrition est prise en charge de manière différenciée selon le degré de gravité de l’état nutritionnel, modéré ou sévère, alors qu’il s’agit là du même processus physiologique. Au Burkina Faso, les enfants malnutris modérés ne sont pris en charge que dans 3 régions sur 13. Un des symptômes de la malnutrition est l’anorexie, de fait certains enfants refusant de manger tombent alors dans un épisode sévère de la maladie et nécessitent une hospitalisation. Les services de pédiatrie se retrouvent ainsi surchargés.

Pour éviter que les enfants tombent dans cet état sévère de la maladie et que trop d’enfants malnutris soient pris en charge dans les hôpitaux, ALIMA, en partenariat avec les autorités sanitaires du pays et les ONG partenaires SOS médecins et Keoogo, étudie un nouveau protocole de prise en charge, qui a pour ambition de traiter précocement les enfants dès le stade modéré, avant que leur état ne se détériore.

Concrètement, cela signifie que dans le district de Yako, ALIMA et ses partenaires admettent dans le programme de soins les enfants malnutris modérés, dont le périmètre brachial mesure entre 115 et 125 mm, et les traitent avec les mêmes aliments thérapeutiques que l’on utilise pour soigner les enfants malnutris sévères. On ajuste simplement les quantités de produit en fonction de la mesure du périmètre brachial et de l’évolution clinique de l’enfant.

Comme les enfants sont pris en charge plus précocement, il y a moins de cas compliqués et par conséquent moins d’enfants hospitalisés, et moins de décès.

Susan Shepherd : Pour améliorer la prise en charge, et in fine sauver plus d’enfants, nous devons aussi trouver les outils diagnostics adaptés à nos circonstances de travail, c’est-à-dire des tests praticables par tous les médecins et infirmiers après une formation simple.

Au Tchad, depuis 2016, ALIMA a introduit un test pour identifier les germes présents chez les enfants souffrant de diarrhée. Cette technologie, la biologie moléculaire multiplex, permet de tester un échantillon sur 22 germes différents. En utilisant ce test à N’Djamena, nous avons découvert que les enfants malnutris sévères souffrant de diarrhées sont souvent porteurs d’un parasite peu connu : le cryptosporidium. Grâce à cette découverte, nous avons pour ambition de commencer une étude pour voir si on peut traiter ce parasite. Sans ce test de biologie moléculaire, on aurait peut-être dû attendre encore des années avant de comprendre le problème.

Sur le même principe, au Niger, nous avons introduit un test qui permet de mesurer les électrolytes – entre autres, le sodium et le potassium – dans le sang. Nous avons découvert que beaucoup d’enfants qui souffrent de gastro-entérite ou du paludisme avaient des carences en potassium, une carence qui n’était pas corrigée par nos traitements habituels. Grâce à cette nouvelle technologie, nous mettons en place un nouveau protocole, dans lequel les enfants déshydratés seront systématiquement testés, pour pouvoir recevoir un supplément de potassium si besoin.

Pour résumer, si on veut améliorer la prise en charge des enfants malades en Afrique de l’Ouest, il faut que l’on puisse diagnostiquer correctement une maladie, avec des outils simples à la portée de tous. Ensuite, il nous faut adapter le traitement pour soigner les enfants avant qu’il ne soit trop tard. Et pour cela, il faut faire de la recherche, afin de tester de nouveaux protocoles et de nouveaux traitements.


Photo : WTYSL/ALIMA

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