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13 avril 2018

Soutenir une crise humanitaire « oubliée » en RDC

A l’occasion d’une conférence de haut niveau des donateurs humanitaires, organisée conjointement par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), l’Union européenne et le gouvernement néerlandais, les 13 et 14 avril à Genève, afin d’attirer l’attention sur la situation de plus en plus alarmante en République Démocratique du Congo (RDC) et récolter davantage de fonds, nous nous sommes entretenus avec Tinou-paï Blanc, chef de mission pour ALIMA (The Alliance for International Medical Action) en RDC, et Dr Moumouni Kinda responsable des programmes. Tous deux décrivent les besoins, la réponse d’ALIMA et les défis. Selon OCHA, sans aide supplémentaire 7,7 millions de personnes souffriront d’insécurité alimentaire en RDC en 2018 et plus de 2 millions d’enfants de moins de cinq ans seront exposés à la malnutrition aiguë sévère.

Les populations de la RDC souffrent de l’une des crises humanitaires les plus complexes et les plus longues du monde. Quels sont les défis auxquels vous devez faire face dans ce contexte?

Dr Kinda : La situation d’insécurité actuelle est l’un des plus grands défis. Les groupes armés contrôlent encore de nombreuses zones, et des attaques fréquentes persistent dans beaucoup d’endroits ; les populations locales continuent d’être déplacées ; des personnes se font encore tuer. Les conflits intercommunautaires récents ont également fait fuir les populations notamment dans l’Ituri. Sur le plan logistique, les communications sont limitées et l’infrastructure routière est médiocre. De nombreuses zones sont isolées, ce qui rend leur accès difficile, empêchant la livraison de médicaments et d’autres fournitures, et le personnel ne peut pas atteindre certaines zones où les populations vivent et où ils se sont enfuis.

Quels sont les plus grands besoins en ce moment?

Tinou-paï: La crise en RDC perdure depuis des décennies. 13,1 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, selon le Plan humanitaire 2017-2019, élaboré sous la supervision d’OCHA / RDC. Mais on doit faire face à une « lassitude des bailleurs». L’aide humanitaire en RDC est largement sous-financée. C’est un pays où la population touchée par la crise est très oubliée. La pauvreté, exacerbée par le conflit et l’insécurité, rend les personnes – en particulier les femmes et les enfants – encore plus vulnérables. OCHA affirme que près de 1,7 milliard de dollars sont nécessaires cette année pour répondre aux besoins humanitaires du pays, mais jusqu’à présent, l’appel n’est financé qu’à hauteur de 12%. Ces déficits de financement rendent difficile l’accès à de nombreuses populations qui ont désespérément besoin d’aide.

Dr. Kinda: Les besoins en matière de santé sont énormes – de nombreuses cliniques et hôpitaux ont été détruits ; le personnel de santé a fui. Au Kasaï, les familles n’ont pas été en mesure de cultiver pendant près de deux ans, ce qui les a laissé sans nourriture. La situation économique est telle que les populations ont très peu ou pas suffisamment d’argent pour se nourrir ou payer des soins de santé. L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont un énorme problème. La RDC souffre également de flambées récurrentes de maladies, telles que le choléra, la rougeole et Ebola, et de taux élevés de paludisme. La situation est exacerbée par une faible couverture vaccinale.

Tout cela signifie que les gens ont désespérément besoin d’aide, qu’il y a une crise humanitaire, une crise nutritionnelle. Jusqu’à récemment, le Kasaï, comme de nombreuses régions, était totalement coupé de l’aide humanitaire. Maintenant il y a beaucoup d’organisations qui fournissent de l’aide, et essaient de soutenir le gouvernement. Tout le monde fait de son mieux, mais il n’y a pas assez de financement pour répondre aux énormes besoins. En réalité les besoins humanitaires dépassent largement les capacités du gouvernement et des acteurs sur le terrain. Aujourd’hui, alors même que des personnes déplacées et des réfugiés commencent à rentrer chez eux, la situation humanitaire reste précaire en raison d’un manque de financement.

Comment est-ce qu’ALIMA contribue à la réponse humanitaire?

Tinou-paï: ALIMA continue de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et d’autres partenaires locaux et internationaux pour fournir des soins médicaux et nutritionnels aux enfants, des soins prénatals et postnatals aux femmes enceintes, un soutien aux victimes de violences sexuelles et basées sur le genre, et le lancement d’interventions d’urgence en réponse aux épidémies. Par exemple, il y a quelques mois, le pays a été touché par une épidémie de choléra. Les équipes d’ALIMA étaient sur le terrain dans les provinces du Kasaï, du Lomami et de Kinshasa pour construire et équiper des centres de traitement, former le personnel de santé pour soigner les patients présumés atteints du choléra et sensibiliser la population aux symptômes du choléra et aux mesures de prévention de la maladie.

Dr. Kinda: ALIMA travaille en RDC depuis 2011. Tandis que la portée de nos activités a changé au fil des ans, notre objectif reste le même : aider les personnes dans le besoin. C’est pourquoi, malgré les problèmes de sécurité et les difficultés de financement, il est essentiel de rester dans le pays et de continuer à soigner les patients. Nous devons continuer à répondre aux situations d’urgence, telles que les épidémies, et fournir des soins médicaux et nutritionnels continus.

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The Alliance for International Medical Action (ALIMA) est une organisation humanitaire médicale qui travaille en étroite collaboration avec un réseau d’organisations médicales locales pour fournir des soins médicaux de qualité aux personnes les plus vulnérables, dans des situations d’urgence et des crises récurrentes. Basé à Dakar, au Sénégal, ALIMA a traité près de 3 millions de patients dans 12 pays depuis sa création en 2009, et a lancé plus d’une douzaine de projets de recherche axés sur la malnutrition, le paludisme et le virus Ebola.

En RDC, ALIMA continue d’aider le ministère de la santé à fournir des soins médicaux et nutritionnels aux populations locales, en particulier dans la région du Kasaï, où l’insécurité et les conflits ont entraîné une détérioration de la situation humanitaire. En 2017, ALIMA a traité plus de 16 000 patients contre le paludisme, effectué plus de 40 000 consultations ambulatoires, administré 7 300 vaccinations et soigné plus de 3 000 personnes contre le choléra.

*Photo: Tinou-paï Blanc / ALIMA

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