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21 avril 2020

« A l’heure actuelle, la solidarité reste un atout majeur dans la gestion de la situation »

Interview de Valérie Chanfreau, Référente santé mentale d’ALIMA.
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© Caroline Thirion / ALIMA

En quoi consiste votre travail et pourquoi votre métier est particulièrement important dans un contexte de réponse d’urgence ou d’épidémie ? 

Mon travail consiste à intégrer une réponse de santé mentale et de prise en charge de la souffrance psychique dans les programmes de santé d’ALIMA.

Dans un contexte d’épidémie, l’angoisse face à la maladie, à la douleur, mais aussi aux  risques de décès et de stigmatisation sont inévitables.

Mes missions dans ces périodes sont essentiellement d’élaborer des stratégies et des programmes de soutien psychique des personnes confrontées à la maladie, notamment  la constitution d’équipes, la rédaction de protocoles de prise en charge, des formations et la sensibilisation en santé mentale.

Pour une bonne adhésion aux mesures de prévention, un accompagnement de qualité, mais aussi un meilleur rétablissement, la prise en charge globale des patients et de leur famille est indispensable.

Les personnels soignants sont également exposés à des risques psychosociaux qu’il est essentiel de déceler et auxquels nous devons répondre, afin qu’ils puissent exercer leurs missions le mieux possible pour leur bien-être et celui des patients.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier que vous exercez ?

Ce qui me plait dans mon métier, c’est lorsque l’on arrive à accéder à la dimension psychique des personnes que l’on accompagne. Réussir à mettre en place les conditions de l’alliance thérapeutique, afin de leur permettre de nous confier leur souffrance est une victoire. Nous sommes alors là pour l’accueillir et les soutenir.

Quand on arrive à proposer des espaces de soutien et d’échanges dans des situations de vie extrêmement difficiles, comme dans des camps de réfugiés par exemple, et qu’ils sont investis avec énergie par les populations, cela montre les bénéfices de nos pratiques. Nous co-construisons nos projets dans une démarche participative en impliquant le plus possible les personnes concernées, dans la conception de nos réponses, afin que ces dernières soient les plus adaptées.

Chez ALIMA, nous portons une attention particulière à la prise en charge psychologique dans l’ensemble de nos projets et la réponse au COVID intègre cette composante bien sure.

En quoi la situation actuelle liée au COVID-19 peut être un facteur de stress dans sa vie privée et son travail au quotidien ?

La situation actuelle est inédite. Le caractère mondial et la nécessité de réduire au strict minimum les échanges sociaux sont absolument déroutants. Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin de contacts. Cette période de confinement peut entraîner  une détresse psychique chez certaines personnes, la crainte pour soi et pour son entourage, un sentiment d’inutilité, d’ennui ou encore des difficultés liées à la promiscuité…

Pour les personnels soignants, cette situation engendre un accroissement de travail et un respect strict des mesures de protection, ce qui demande une vigilance très importante et augmente leur état de fatigue et de stress.

De plus, les personnes en première ligne craignent de contaminer leur entourage en rentrant chez eux… Cette peur de devenir un vecteur de transmission de la maladie est très inconfortable et peut amener un sentiment de culpabilité.

Enfin, d’autres métiers sont à risque de stress important, car ils s’exercent dans des conditions complexes. Les logisticiens par exemple sont tout aussi indispensables que les soignants. Ils permettent le ravitaillement des besoins de premières nécessité et l’organisation de la prise en charge dépend de leur action, ils sont soumis à une forte pression de toutes parts pour répondre dans les temps à la demande. La crainte de manquer de matériel de protection par exemple comme dans certains pays est une préoccupation constante. .

Chez ALIMA, nous avons mis en place un guide de prévention des risques de stress au travail et nous travaillons sur la réalisation d’un guide de prise en charge des patients infectés sur base des guidelines de IASC (Inter-Agency Standing Committee) santé mentale.

Comment peut-on détecter les signes de stress en période de confinement ou sur une mission humanitaire ? Que peut-on faire pour gérer au mieux ce stress ?

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© Caroline Thirion / ALIMA

Le signes de stress sont parfois évidents mais aussi parfois plus insidieux… Il est important de savoir repérer la fatigue, la lassitude, les signes comme les troubles du sommeil, de l’humeur, ou encore l’hyper agitation entre autres exemples.

Si vous le pouvez, gardez contact avec vos proches, prenez de leurs nouvelles en visio s’ils sont à distance.

Vous avez sûrement déjà lu pleins de conseils divers et variés. Choisissez ceux qui vous correspondent le mieux, surtout essayer de garder votre routine. Eviter l’automédication si vous êtes angoissé ou que vous avez du mal à trouver le sommeil, 20 minutes de relaxation sont efficaces pour réguler ses émotions et éviter une surcharge d’informations anxiogènes. Vous pouvez maintenir ou réinventer des loisirs et interroger le sens des choses…

Selon moi, la recommandation importante est de prendre soin les uns des autres. Il est important de s’intéresser et se préoccuper de son bien-être personnel, sans négliger ses proches, ses amis, ses collègues, ou encore ses voisins auprès desquels on peut trouver échanges et réconfort.

A l’heure actuelle, la solidarité à de multiples niveaux, individuel, communautaire, national et international est un atout majeur et incontournable dans la gestion de la situation.

Un grand merci à Valérie Chanfreau pour cette interview, ainsi qu’au personnel d’ALIMA qui se mobilise actuellement contre le COVID-19 tout en continuant à maintenir ses projets médicaux récurrents.


Photo de couverture : © Caroline Thirion / ALIMA

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